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Le chef de la junte au pouvoir depuis 2021 au Tchad, le général Mahamat Idriss Déby Itno, a annoncé samedi sa candidature à la présidentielle du 6 mai, trois jours après que l’armée a tué son principal rival, un “assassinat” selon l’opposition.
“Moi, Mahamat Idriss Déby Itno, je suis candidat à l’élection présidentielle de 2024 sous la bannière de la coalition de partis Pour un Tchad Uni“, a-t-il déclaré après qu’une coalition de partis lui eut demandé de se présenter.
Alors jeune général de 37 ans, il avait été proclamé par l’armée Président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux le 20 avril 2021, à l’annonce de la mort de son père, le maréchal Idriss Déby Itno. Le patriarche dirigeait alors d’une main de fer ce vaste pays sahélien depuis plus de 30 ans.
Mahamat Déby promettait aussitôt de rendre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois mais, ce terme échu, il l’avait prolongée de deux ans.
La force de la Dynastie Itno
L’opposition dénonçait une “succession dynastique” des Déby dans ce vaste Etat sahélien d’Afrique centrale, deuxième pays le moins développé au monde selon l’ONU.
La date du premier tour de la présidentielle, le 6 mai, a été annoncée mardi seulement, un peu plus de deux mois avant le scrutin, qui s’annonce prometteur pour le général Déby, bientôt 40 ans, en l’absence de rival sérieux dans une opposition muselée ou violemment réprimée.
Mercredi, l’accusant d’avoir fomenté une “tentative d’assassinat” du président de la Cour suprême 10 jours plus tôt et une attaque contre les tout-puissants services de renseignement la veille, l’armée a tué, dans l’assaut du siège de son Parti Socialiste sans Frontières (PSF), Yaya Dillo Djérou, cousin et principal rival du chef de l’Etat dans la course présidentielle.
Le PSF a assuré à l’AFP qu’il avait été “exécuté à bout portant” d’une balle dans la tête et l’opposition a dénoncé un “assassinat” pour l’évincer de l’élection.
Dans son discours prononcé à l’intérieur d’un ministère des Affaires étrangères protégé par un imposant dispositif militaire, Mahamat Déby, boubou et toque blancs, bâton de commandement de l’armée à la main, a clamé qu’en 2021, “l’armée avait assuré la continuité de l’État et sauvé le pays du néant et du chaos“. Sous les vivats de centaines de représentants des “221 partis” revendiqués par la Coalition pour un Tchad Uni qui l’appelait à se présenter.
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Pratiquement pas d’opposant de taille pour cette élection
En dehors du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) créé par son père après son coup d’État en 1990, les autres mouvements sont de petits, voire de très petits partis satellites.
Samedi, l’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a dénoncé une nouvelle fois la violente répression de l’opposition par la junte en réclamant une “enquête internationale”, avec “une aide étrangère”, sur le “meurtre” de M. Dillo.
Le gouvernement nommé par la junte a nié auprès de l’AFP “toute exécution” et affirmé que M. Dillo a péri dans l’assaut du QG de son parti parce qu’il “refusait de se rendre” et avait “tiré lui-même sur les forces de l’ordre”.
HRW dit avoir “examiné plusieurs photos transmises par une source fiable proche de Dillo, montrant celui-ci mort et portant la trace de l’impact d’une seule balle dans la tête”.
“Le gouvernement de transition (…) a, à plusieurs reprises, violemment réprimé des manifestations organisées par l’opposition pour réclamer un régime démocratique civil“, déplore HRW.
Dans un message audio à l’AFP quelques heures avant sa mort, M. Dillo assurait que la “tentative d’assassinat” et “l’attaque” des renseignements invoquées par la junte étaient “des mises en scènes”.
Le but “c’est de m’éliminer physiquement”, “pour ne pas aller à l’élection”, assurait-il mercredi au téléphone depuis le QG de son parti assiégé.
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Des inquiétudes même au sommet
Si l’absence pour l’heure de tout rival sérieux à la présidentielle laisse présager une victoire facile, des inquiétudes se font jour depuis plusieurs mois dans le camp de Mahamat Déby sur une discorde de plus en plus marquée au sein du clan familial et de l’ethnie zaghawa des Déby. Très minoritaire dans le pays, elle est maîtresse des appareils militaires et de l’État depuis 33 ans.
La mort violente de Yaya Dillo Djérou et l’arrestation dans l’assaut de leur oncle l’influent général Saleh Déby, consacre une tendance qui s’ourdait déjà sous le maréchal.
Pour affirmer son autorité, Mahamat Déby a mis au rencart plusieurs généraux fidèles à son père dans une toute-puissante armée dont le commandement est trusté par les Zaghawas et quelques alliés de l’ethnie Gorane.
Il les a parfois remplacés par des Goranes au grand dam des Zaghawas. Mahamat est moitié zaghawa par son père et moitié gorane par sa mère.
Mais le pari de resserrer les rangs est loin d’être gagné.
Au point que bruissaient ces dernières semaines des rumeurs de tentative de coup d’État ou de mutinerie d’une partie des militaires autrefois fidèles au maréchal ou restés proches de Yaya Dillo et Saleh Déby.
Signe de son inquiétude croissante : Mahamat Déby est allé fin janvier à Amdjarass, le berceau familial dans l’est désertique, pour tenter de ressouder le clan et les Zaghawas en épousant une troisième femme, fille du frère aîné du maréchal et l’un des influents meneurs de la fronde.
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